Petite Ceinture dans le 13ᵉ : prémices d’une révolution

C’est une petite révolution qui se profile pour la Petite Ceinture dans le 13e arrondissement. Plusieurs projets convergents — ouverture de nouvelles sections au public, travaux sur l’infrastructure ferroviaire, réhabilitation de la gare Masséna — annoncent une transformation en profondeur du paysage urbain entre Maison Blanche et l’avenue de France.

De nouvelles promenades

Trois nouveaux tronçons devraient être ouverts au public d’ici 2026. Il s’agit d’aménager, dans le prolongement des sections déjà accessibles dans d’autres arrondissements, des cheminements piétons sur la portion sud-est de la ligne, entre la gare Masséna et l’avenue d’Italie.

© Ville de Paris - DEVE

Le premier segment, entre la rue de Patay et la gare Masséna, doit faire l’objet de travaux dès 2025. Située à proximité du parc Kellermann et longeant les emprises de la future gare rénovée, cette portion permettra la création d’un nouvel espace vert dans un secteur particulièrement minéral et aujourd’hui dépourvu de promenade publique le long de la Petite Ceinture.

Deux autres tronçons suivront. Le premier, entre la rue du Château des Rentiers et la rue de Patay, sera quant à lui traité dans un esprit plus végétal : une portion boisée, propice à la déambulation lente, y sera recréée. Le second, en tranchée, reliera la gare de Maison-Blanche à l’avenue de Choisy. Il offrira une liaison directe entre la ville et la promenade, renforcée par l’installation d’un escalier en vis-à-vis du square Héloïse-et-Abélard, et pourra être plus tard relié à la station de la ligne 14 et au-delà, à la Poterne des Peupliers.

Ces ouvertures à la promenade méritent d’être soulignées. Elles ne relèvent pas d’un simple geste d’aménagement : elles engagent une manière d’habiter la ville autrement, en suivant les courbes d’un tracé ferroviaire ancien, au ras des talus, entre murs aveugles et percées inattendues. Elles prolongent aussi une certaine idée de la Petite Ceinture comme espace public distinct, ni tout à fait parc, ni tout à fait friche, où l’histoire industrielle continue d’imprégner les usages.

Il est à noter que certaines portions de ces futurs tronçons avaient été déferrées au fil des années. La section entre Maison-Blanche et le tunnel nord — interrompue par les travaux de la ligne 14 — verra ainsi ses rails prochainement reposés. Il ne s’agit pas d’un retour du trafic, mais d’une intervention destinée à retrouver la matérialité propre à la ligne. Cette repose des voies permettra aux promeneurs de cheminer « sur les rails », dans la continuité d’autres portions ouvertes à travers la ville. On peut espérer que la végétation spontanée qui avait, avant les chantiers, colonisé cette section — buddleias, herbes folles, lierre — pourra retrouver sa place entre les traverses, renouant ainsi avec l’esthétique singulière d’un chemin de fer certes non exploité mais vivant.

Gare Masséna : cette fois-ci, c’est la bonne?

La réhabilitation de la gare Masséna marque un autre temps fort de l’actualité de la Petite Ceinture. Inaugurée en 1867, la gare a connu plusieurs vies, avant d’être désaffectée à la fin des années 1990, lors du retrait du trafic RER sur ce tronçon. Depuis, le bâtiment était resté fermé, visible depuis la rue Regnault mais sans lien réel avec le tissu urbain environnant.

Un premier projet de reconversion, proposé dans les années 2010, avait envisagé la construction d’une tour au-dessus de la gare, avec transformation complète du site. Ce projet n’a pas vu le jour.

Le nouveau projet, qui a gardé le nom de Réalimenter Masséna, opte pour une toute autre approche. Il s’appuie sur le bâti existant, prévoit la restauration complète de la halle voyageurs et inscrit la gare dans une vocation d’équipement de quartier. Le programme associera un café, un restaurant, des espaces de formation autour de l’alimentation durable, des ateliers liés à la transformation végétale et des usages collectifs, dans une halle partiellement ouverte.

Les travaux devraient débuter en 2025 pour une livraison attendue fin 2026. Ce projet présente un intérêt particulier à double titre. Il relie à nouveau la gare à sa plateforme ferroviaire, ce qui permettra un passage fluide depuis la promenade. Et il redonne à ce bâtiment, longtemps relégué, une fonction d’ancrage dans le quartier. La gare, sans perdre sa mémoire, pourra accueillir de nouveaux usages.

Pour les Promeneurs de la Petite Ceinture, cette évolution mérite d’être suivie avec attention. Elle pose les bases d’un modèle d’activation douce du patrimoine, attentif aux rythmes du lieu comme aux besoins du territoire. Elle ouvre aussi la possibilité d’un rapport renouvelé entre ville et ceinture : non pas par la mise en vitrine d’un passé figé, mais par la construction d’un présent habitable.

Un lieu en mutation mais à l’écoute de son passé

La Petite Ceinture du 13ᵉ, longtemps restée en marge des dynamiques de reconversion observées ailleurs dû aux travaux de la ligne 14 du métro, entre donc dans une phase active. L’ouverture prochaine des tronçons à la promenade, la repose des rails, la réhabilitation de la gare Masséna : autant d’éléments qui dessinent une cohérence d’ensemble. Mais cette cohérence reste fragile, et dépendra des choix à venir — notamment quant à l’entretien, à la végétalisation, aux usages autorisés.

Nous continuerons, en tant qu’association, à suivre ces évolutions, à proposer des visites commentées, à défendre une approche sensible du lieu. Car la Petite Ceinture n’est pas une friche parmi d’autres : elle est l’un des rares endroits de Paris où le temps semble encore hésiter. Une boucle inachevée, ouverte sur l’avenir.

Suivant
Suivant

Un voyage photographique autour de la Petite Ceinture avec Jérômine Derigny